Accueil» Économie solidaire » L’économie solidaire en débat » L’ESS peut-elle être un vecteur de la Transition écologique et solidaire ?

L’ESS peut-elle être un vecteur de la Transition écologique et solidaire ?

« Au-delà des entreprises lucratives et des résultats comptabilisés dans le PIB, il existe une biodiversité économique, source de richesses multiples. Les initiatives solidaires apportent quotidiennement la preuve que des alternatives sont possibles pour faire face aux menaces économiques, sociales et climatiques qui mettent en danger la planète et le vivre ensemble. » Extrait de l’appel L’Économie Solidaire c’est vous !Mobilisons nous pour construire un monde solidaire ! lancé à l’occasion du Congres du MES de juin 2015... Mais qu’elle place donnée à ce foisonnement d’initiatives dans une société dominé par un modèle de développement basé sur la croissance et le profit ? La démission de Nicalas Hulot ouvre une nouvelle fois le débat...

La création d’un Ministère de la Transition écologique et solidaire aurait pu être la traduction au niveau de l’État, de ce que l’économie solidaire porte à travers ses initiatives depuis de nombreuses années, ainsi, nous attendions que ce Ministère créé pour Nicolas Hulot ouvre l’opportunité d’une convergence réelle entre l’ESS et la transition écologique et qu’il soutienne et accompagne le développement de ces initiatives et leur prise en compte dans les territoires, en renforçant le pouvoir d’agir et la mobilisation citoyenne. Si certains discours de Nicolas Hulot ont pu laisser croire qu’il partageait cette vision, l’arrivée de Christophe Itier, Haut-Commissaire en charge de l’ESS, nous a vite mis face à une autre réalité, l’ESS étant réduite au développement des entreprises sociales sur de nouveaux marchés, un programme compatible avec le reste de la politique du gouvernement. Si Nicolas Hulot continuait à porter la volonté d’une transition écologique, son action se devait d’être compatible avec une politique économique néo libérale, ce qu’il a reconnu impossible et l’a conduit à démissionner. Remplacé depuis par François de Rugy, celui-ci ne dit pas un mot sur la dimension solidaire de son ministère lors de sa prise de fonction et nous parle uniquement d’économie verte, sans évoquer une seule fois l’ESS. Christophe Itier, toujours en place, doit- il s’en réjouir ?

Dans un contexte toujours tendu pour les acteurs de l’ESS avec l’annonce dans le cadre de la préparation du budget 2019 de la suppression envisagée de 100 000 contrats aidés sur les 200 000 encore en place, le Haut -Commissaire porte un certain nombre de chantiers plus ou moins visibles, notamment autour du Pacte de croissance de l’économie sociale et solidaire (ESS) qui devrait être le sujet de la rentrée. Quelles suites seront données aux 59 propositions du Rapport pour une politique associative ambitieuse et une société de l’engagement, fruit d’un travail de concertation entre Le Mouvement Associatif et ses réseaux adhérents, le Collectif des Associations Citoyennes et le Réseau national des maisons des associations, remis le 8 juin au Premier Ministre Édouard Philippe ? Quelles suites du French Impact et de la composition du pack d’accompagnement des entreprises lauréates de l’appel à projet (financements, mission d’ingénierie ou d’accompagnement) pour accompagner leur changement d’échelle, quand verrons nous la mise en place du fonds d’amorçage promis pour soutenir l’émergence de structures de l’ESS , et au-delà de la réforme de l’agrément ESUS qui ouvre un peu plus la porte de la reconnaissance d’utilité sociale aux entreprises capitalistiques, quel sera le contenu de ce Pacte de croissance de l’Economie sociale et solidaire (ESS) qui devait être rendu public avant le 15 juillet et dont on ne voit pas très bien se dessiner les contours ?

Mais un autre chantier tient à cœur au Haut-Commissaire à l’ESS, celui de la fusion des instances représentatives de l’ESS car, pour renforcer la visibilité de l’ESS, Christophe Itier ne veut plus voir qu’une seule tête en lieu et place d’ESS France (la Chambre française de l’ESS qui réunit les têtes de réseau nationales des familles de l’ESS), du CNCRESS (Conseil national des Chambres régionales de l’ESS qui représentent les acteurs et familles dans les régions) et de l’UDES (Union des employeurs de l’ESS, qui regroupe les syndicats employeurs de 14 branches de l’ESS) regroupées dans un MEDESS, sorte de MEDEF de l’ESS, Ce qui fait débat du côté des acteurs car la chose n’est pas si simple. Le MES par exemple, favorable au regroupement d’ESS France et du CNCRESS autour d’une représentation des acteurs est plus réservé sur la fusion avec une UDES qui porte une fonction de la représentation syndicat patronal et alors même que certains acteurs ont déjà leur propre représentation patronale. Une commission de travail réunissant l’ensemble des grandes familles travaille sur une stratégie qui permette de repenser l’organisation des nos instances de représentation, c’est un chantier en cours mais qui demande du temps.

En tout cas on voit bien là que les chantiers gouvernementaux sur l’ESS sont bien loin de la réponse urgente à apporter à la question de la transition écologique et solidaire et, de ce point de vue, on ne peut que souscrire aux considérations de HUGUES Sybille qui écrit dans l’édito de la lettre de septembre du Labo de l’ESS : « La résolution des inévitables conflits d’intérêt entre économie et écologie nécessite que la société civile s’implique davantage pour faire pression sur l’Etat. Une forme de résistance citoyenne aux lobbies. Ceci est, de mon point de vue, une partie de l’explication de l’échec de Hulot qui n’a pas su encourager la montée en puissance de la société civile sur ses sujets et s’appuyer sur elle. »

Mais le doute persiste sur la suite de ces recommandations « J’invite l’ESS à se regrouper vite pour peser dans ces rapports de force. J’invite le prochain ministre à nouer des alliances plus dynamiques avec le monde de l’ESS. Enfin, si l’on veut sortir de la séparation écologie/économie/social, ne faudra-t-il pas ramener un jour ces sujets à Bercy ? Avec par exemple un « Secrétariat d’État aux entreprises sociales et écologiques » rattaché au Ministère de l’Economie ? Notre relative absence dans l’actuel projet de Loi Pacte doit être méditée. Nous sommes trop loin du cœur du pouvoir économique ».

Si, comme le dit Nicolat Hulot, la transition écologique et solidaire ne semble pas compatible avec l’économie libérale du gouvernement, il reste à démontrer que l’ESS, dans sa grande diversité, partage la même perspective politique de changer de modèle de développement pour la planète . La volonté de restructuration dans une seule organisation enfermée dans une seule vision entrepreneuriale risque davantage de raviver les divergences au sein de l’ESS que de l’accompagner vers un nécessaire changement de paradigme.

Il nous faut, plus que jamais, résister à une volonté politique qui vise à réduire notre diversité de penser et d’agir , source de vitalité, de créativité et de persévérance. Et surtout ne pas oublier que c’est la convergence entre organisations et mobilisations citoyennes qui nous fera avancé...

Pour aller plus loin :

i