Depuis quelques années, les autorités sont passées d’un regard empreint de compassion à un regard de méfiance par rapport aux personnes privées d’emploi. Les affirmations sur la nécessaire solidarité nationale sont aujourd’hui étouffées par celles sur la « fraude sociale » dont serait victime notre dispositif de solidarité nationale.
Ce changement de représentations pèse directement sur le quotidien des chercheurs d’emploi de notre pays. Radiation, dévalorisation, suspicion, abandon de la part du service public de l’emploi viennent peser davantage sur cette période si anxiogène. La pente vers la perte de notre responsabilité collective est radicale. Pourtant, nous le savons tous, notre organisation socio-économique ne fait pas une place aujourd’hui à chacun.
Sortir des chimères. Il faut également aborder la question de la qualité des emplois, comprendre l’impact de celle-ci sur la situation des personnes et analyser la capacité des activités à produire ou à détruire de la richesse collective. Au sein des acteurs de l’Insertion par l’activité économique (IAE), nous affirmons avec force qu’il est dangereux et néfaste de continuer, sans cesse, à opposer lutte contre le chômage et qualité de l’emploi, solidarité et développement économique, mondialisation et ancrage durable dans nos territoires.
Retrouver de la fraternité dans nos échanges. Et si nous prenions conscience que nous ne pouvons continuer à « gagner » en laissant 4 ou 5 millions de personnes au bord du chemin et que ces dernières ne constituent pas le « problème » mais plutôt une force mal employée pour trouver ensemble des solutions. Les Etats ont des niveaux d’endettement qui amoindrissent leur capacité à agir pour trouver de nouvelles voies, l’ascenseur social est cassé, les inégalités économiques atteignent des sommets… L’avenir s’assombrit et notre salut viendrait d’un référendum national contre les chômeurs ! Non, jamais, nous ne sortirons de cette crise sans impulser une dynamique innovante autour et avec les millions de sans-emploi.
Faire de la lutte contre le chômage une priorité effective. Du côté des acteurs de l’Insertion par l’activité économique, la situation est intenable. Depuis des années, tous les gouvernements louent l’apport de ce secteur à la cohésion sociale et assurent que son financement représente un investissement pour la société et une priorité dans le budget de l’Etat. Pourtant, l’Etat n’y consacre que 200 millions d’euros par an et en récupère plus du triple sous forme de cotisations et de dépenses sociales évitées. Seulement 200 millions supplémentaires suffiraient pour mieux prendre en charge les 200 000 personnes qui, chaque année, font appel à nos structures !
Mais il y a peut-être plus grave encore. Les acteurs de l’IAE, qui restent au cœur de la bataille sociale ont de plus en plus le sentiment de devoir se battre pour justifier leurs actions. Plutôt que de les noyer sous des gestions administratives sidérantes et de les évaluer sur des critères inadéquats, il faudrait redonner du sens et de l’efficacité à long terme à ces acteurs en engageant un véritable dialogue entre eux et les pouvoirs publics pour définir les contours et les moyens de cette mission.
Faire du territoire un des enjeux du développement de l’emploi. Parce que c’est parfois en étant au plus près que l’on peut le mieux appréhender des besoins non satisfaits et des opportunités de développement, nous pensons qu’il faut faire du territoire un des moteurs du développement de l’emploi. Reprise d’entreprise, relocalisation de production, échange de ressources… Autant d’enjeux collectifs dont les territoires pourraient s’emparer et qui peuvent déterminer la capacité de résistance économique de nos bassins d’emploi. C’est aussi l’opportunité de remettre un peu de démocratie dans les enjeux économiques en redonnant de la place aux acteurs qui en sont souvent dépourvus.
Créer de la coopération économique. L’entraide, la coopération et la solidarité économique ne sont pas seulement des valeurs, elles peuvent être des modèles de développement. En mobilisant citoyens, entreprises, pouvoirs publics, recherche et formation, nous pouvons créer de nouvelles formes de coopération économique locale, comme le sont les Pôles territoriaux de coopération économique (PTCE) dont la singularité se caractérise notamment par le développement local durable, un investissement dans l’innovation sociale, une diversité sectorielle ou l’intégration d’acteurs et d’institutions de toute taille.
Aujourd’hui, les difficultés sont de plus en plus complexes et nul ne peut seul avoir la totalité des réponses. Il faut croire à l’efficacité des entreprises qui mobilisent les territoires, à l’esprit d’initiative dans un espace de démocratie et d’intérêt collectif. Il faut exiger de nos coopérations la construction d’une place pour chacun dans les échanges économiques. Ceci doit être le minimum de nos ambitions collectives pour une société du mieux vivre ensemble.
Article de Libération du 13 avril 2013