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Analyse et proposition, sur le Dispositif « parcours emploi compétences »

Un fort mouvement de protestation s’est manifesté au sein du milieu associatif inquiet des décisions de l’État sur le financement des associations. Celles-ci ont fortement réagi à la décision de réduire drastiquement et brutalement les contrats aidés dès le second trimestre 2017. Murielle Pénicaud, Ministre du Travail a missionné en fin d’année Jean-Marc Borello, président du Groupe SOS, ancien président du Mouvement des entrepreneurs sociaux (MOUVES) et Délégué national d’En marche, pour réaliser une étude sur les emplois aidés. Aujourd’hui, un nouveau dispositif, « parcours emploi compétences », axé prioritairement sur l’insertion des personnes les plus en difficulté et leur formation, est proposé dans lequel le soutien aux activités d’utilité sociale n’est pas une priorité.

Un outil qui améliore l’insertion des personnes en difficulté ?

Un outil qui répond aux besoins des associations désireuses de créer des emplois d’utilité sociale ?

Le 16 janvier 2018, Jean-Marc Borello a remis officiellement à la Ministre du Travail, devant la presse et plusieurs acteurs de l’économie sociale et solidaire, son rapport sur les politiques d’inclusion «  Donnons-nous les moyens de l’inclusion ». Ce rapport, précédé par une circulaire du 11 janvier relative aux "Parcours Emploi Compétences" et aux Fonds d’inclusion dans l’emploi des personnes les plus éloignées de l’emploi, propose la transformation des contrats aidés, en les limitant au secteur non marchand et en sélectionnant les employeurs qui peuvent y recourir.. Le nouveau dispositif, dénommé "Parcours Emploi Compétences", est construit notamment sur le tryptique Emploi, Formation et Accompagnement, et repositionne l’individu au centre de la démarche et dans une logique de "parcours".

Si cette attention prioritaire aux personnes les plus éloignées de l’emploi est une volonté positive, la baisse du taux de prise en charge moyen de l’Etat, passant de 72,5% en 2017 à 50% du SMIC en 2018 et la limitation de la durée hebdomadaire, fixée entre 20 h et 21 h 50, donnent peu de moyens aux employeurs pour réellement adapter un parcours d’insertion et de formation aux besoins des bénéficiaires. Notons de surcroît que le contrat est fixé à deux ans maximum et sans garantie de renouvellement à la fin de la première année. En outre, le rapport prévoit l’obligation pour l’employeur de prouver son "employeur-abilité", c’est-à-dire sa capacité à faire acquérir des compétences et de la formation de qualité au salarié recruté. Cette exigence que nous approuvons et qui est agréée par la plupart entreprises de l’économie sociale et solidaire, n’est toutefois pas associée à des moyens dédiés dont elles auront pourtant besoin pour y parvenir..Elle risque donc non seulement d’être inopérante mais d’accroître les difficultés des associations dans le contexte économique qu’elles traversent actuellement.

Ainsi, en entérinant la baisse drastique du nombre de postes aidés, passant de 457 000 en 2016, puis 310 000 en 2017 à 200 000 en 2018, soit une division par deux en deux ans, ce dispositif crée une situation difficilement gérable pour de nombreuses associations qui risquent de disparaître, faute de possibilités de compenser ces pertes de postes salariés.

Pourtant, ces « emplois aidés » avaient été précisément conçus pour permettre le renforcement et la structuration de l’emploi associatif. En disparaissant sans aucune compensation, c’est la vie de milliers d’associations œuvrant chaque jour sur les territoires, pour répondre aux besoins de nos concitoyens qui est mise en péril. De plus, sans moyens supplémentaires pour la formation qui constitue un élément déterminant pour la réussite du dispositif,l’objectif assigné d’une meilleure employabilité pour les personnes visées est loin d’être garanti.

Il nous apparaît donc indispensable de mobiliser les fonds dédiés à la formation professionnelle et à l’apprentissage en direction des publics visés et d’engager sans tarder des négociations avec les partenaires sociaux, d’une part et les conseils régionaux, d’autre part pour y parvenir.

Par ailleurs, la proposition de créer un « Fonds d’inclusion » permettant de donner aux Préfets de la souplesse pour répondre aux besoins réels identifiés sur le territoire peut aller dans le bon sens, mais elle est amputée par la réduction importante en 2018 des fonds dédiés aux « parcours emploi-compétences ». Les Préfets risquent donc d’être surtout contraints de déshabiller Pierre pour rhabiller Paul. Et les conséquences de ce nouveau dispositif ne sont pas que quantitatives.

En effet, malgré la réduction importante des subventions publiques aux associations (- 15 milliards en 10 ans entre 2004 et 2014 selon l’INSEE), celles-ci ont continué à développer des réponses innovantes aux besoins sociaux et sociétaux, en s’appuyant sur le dispositif des contrats aidés. Or, cet axe est devenu secondaire dans le dispositif Parcours Emploi Compétences et c’est tout un pan de l’action menée par les associations, essentielle au vivre-ensemble sur les territoires les plus fragilisés qui se trouve ainsi abandonné puisqu’il ne figure pas non plus dans la feuille de route du Groupe de travail et de concertation pour une Politique associative, amorcée par la DJEPVA avec les têtes de réseaux associatifs. C’est une erreur d’appréciation sur le rôle que jouent les structures à but non lucratif dans les réponses apportées en proximité aux besoins fondamentaux non satisfaits par le marché. C’est aussi une erreur économique que de se priver ainsi de tous les apports citoyens et bénévoles engendrés par ces actions qui créent non seulement du lien social mais évitent également les coûts liés à la déstructuration de ces liens.

L’utilité sociale ne saurait être réduite à la marchandisation des emplois des services et des produits en faisant fi des de la citoyenneté économique qui, par le processus démocratique qu’elle engendre, par les différentes parties prenantes qu’elle associe, fait du territoire un commun.

Les formes nouvelles d’entrepreneuriat social peuvent répondre efficacement à des besoins sociétaux, mais aucunement de manière complète et exhaustive.

Convaincus de l’intérêt d’allier, sans les confondre, politiques de soutien à l’emploi et parcours des personnes vers une meilleure employabilité, d’une part et politiques de soutien aux activités d’utilité sociale d’autre part, nous soutenons la proposition du rapport préconisant d’organiser le maintien d’objectifs d’utilité sociale dans les politiques d’inclusion, au travers du renforcement de dispositifs existants mais, à ce jour, le compte n’y est pas.

C’est pourquoi Le MOUVEMENT POUR L’ECONOMIE SOLIDAIRE demande une concertation avec l’ensemble des acteurs, organisations sociales et solidaires concernées pour aller vers la création et le développement d’une réelle politique nationale d’emplois d’utilité sociale.

A Paris le 9 février 2018, Le Conseil d’administration du Mouvement pour l’Economie Solidaire.

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Communiqué Mouvement Economie Solidaire sur dispositif Parcours Emploi Compétences 9 février 2018