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Contribution du Mouvement pour l’Economie Solidaire France à la sortie de crise COVID-19

Cette contribution du Conseil d’administration du Mouvement pour l’Economie Solidaire France a été rédigée par Patricia Colers (UFISC) et Josette Combes, Co-Présidentes du MES France, Bérénice Dondeyne, MES Occitanie, Luc de Larminat (Opale, CNAR Culture), Alexane Hérédia ( administratrice) et Bruno Lasnier ( délégué national), en réponse à la Saisine du Conseil Supérieur de l’ESS par le Haut-Commissaire à l’ESS et à l’Innovation Sociale en vue de préparer le plan ESS de sortie de crise COVID-19

La crise que génère la pandémie COVID-19 questionne de manière drastique nos modèles socio-économiques et bouscule les illusions d’une croissance infinie, en capacité de prévenir une telle catastrophe sanitaire comme de prendre soin de la société ici et maintenant. Bien au contraire, cette pandémie révèle de manière accrue les inégalités sociales, l’inadaptation des infrastructures publiques à répondre aux besoins essentiels, la faiblesse des politiques publiques arc-boutées sur les restrictions budgétaires et non sur l’intérêt pour toutes et tous. Dans les moments de grandes crises économiques et sociales, se pose toujours, de manière fondamentale la question de l’intérêt général.

Les réponses sont multiples et dans leurs déploiements, l’économie sociale et solidaire a une grande place à tenir comme modèle de société, mais avec l’exigence que l’Etat prenne pleinement ses responsabilités en tant que garant de l’intérêt général. Les propositions suivantes vont dans ce sens : elles allient responsabilité publique, implication de la société civile et orientation vers une économie engagée pour une transition écologique, soit une résolution de crise, porteuse de solutions pour un avenir commun, plus juste et solidaire.

Le Mouvement pour l’Economie Solidaire adresse aujourd’hui aux pouvoirs publics une série de 19 propositions organisées autour de 3 grandes thématiques :

  • - des mesures d’urgence pour les structures de l’ESS,
  • - le renforcement des protections sociales et des droits humains
  • - vers une transition écologique et solidaire.

1. DES MESURES D’URGENCE POUR LES STRUCTURES D’ÉCONOMIE SOLIDAIRE

Les initiatives d’économie solidaire réunissent aujourd’hui des milliers de structures, sous formes associatives, coopératives, sociétés commerciales à buts autres que lucratifs, dirigées vers une utilité sociale et inscrites dans l’intérêt général. Elles se composent de petites et micro-entreprises, le plus souvent de moins de 10 salarié.e.s, qui maillent l’ensemble du territoire et développent un emploi de proximité.
Proposant de nouveaux modèles d’organisation et de services dans l’agriculture, le numérique, la santé, la culture, l’environnement, l’appui et la solidarité avec les plus démunis…, elles sont directement touchées par les conséquences de la crise du Covid19. Les effets des fermetures et des arrêts d’activité sont dramatiques pour ces initiatives citoyennes dont les marges de manœuvre, déjà faibles, ont été régulièrement réduites depuis quelques années du fait des baisses d’emplois aidés et des désengagements publics.
Innovantes, s’appuyant sur des modèles associant implications bénévoles, coopérations non monétaires multiples, ventes d’activité sur un marché local, soutien au titre de l’intérêt général..., elles ont su démontrer leur résilience et leur capacité à penser une alternative socio-économique pour les personnes et pour les territoires. Elles constituent l’espace des possibles qui permettront d’organiser les solutions durant et après la crise sanitaire par les processus collectifs et coopératifs et l’attention aux relations et à la dignité humaine qu’elles mettent en œuvre.
Nous demandons que dans le cadre des soutiens accordés à la reprise économique, les organisations de l’ESS soient prises en compte en raison de leur contribution à l’équilibre économique et social du pays, afin qu’elles traversent cette crise et confortent leurs équipes salariées..

  • AXE 1 FINANCEMENT PUBLIC

Proposition 1.1.1 Tenir les engagements financiers auprès des structures
Considérant la définition de la subvention inscrite dans la loi de l’ESS de 2014 et l’ordonnance du 25 mars 2020 sur les marchés publics, nous demandons à l’Etat, aux collectivités territoriales, à leurs groupements et à leurs administrations, de tenir au plus vite leurs engagements de financement public. Nous demandons un allègement et une accélération sans délai des procédures de versement des subventions. Nous rappelons que les subventions sont des contributions accordées par la collectivité à une structure sous justification d’intérêt général, sans contrepartie directe1. Aussi, nous demandons que soient pris en compte la situation de ces petites structures citoyennes dans la considération des actions annulées, que les freins générés par la notion de services faits soient levés, et que priment le projet global de la structure et le maintien de son fonctionnement et de ses activités. Tenant compte du cadre d’intérêt général, des garanties doivent être apportées sur le versement sans proratisation des subventions promises. Les signatures des conventions doivent pouvoir se faire au plus vite. Nous souhaitons que les acteurs et actrices sur le terrain puissent recevoir une réponse rapide et favorable aux demandes d’indemnisation des prestations annulées et entrer en dialogue avec les collectivités publiques pour trouver les meilleures solutions dans le contexte. 2

Proposition 1.1.2 Inclure toutes les structures de l’ESS dans les mesures économiques d’urgence
Les mesures économiques mises en œuvre par le gouvernement, en association avec les régions, doivent pouvoir bénéficier à l’ensemble de ces petites structures d’économie solidaire. L’accès doit y être facilité par des dossiers et des critères administratifs simples. Tous les statuts et modèles économiques doivent être pris en compte.

Proposition 1.1.3 Solliciter les fonds d’urgence territorialisés

Nous sollicitons des fonds d’urgence territorialisés, associant l’Etat et les collectivités, pour venir en soutien de cet écosystème local. Nous demandons des aides nouvelles, directes aux entreprises et à l’emploi ainsi que des aides aux propositions collectives et de coopération qui protègent l’engagement citoyen et les emplois locaux.

-* AXE 2 : CREDIT ET FINANCE SOLIDAIRE

Proposition 1.2.1 Ajuster les mesures d’apports en crédit aux besoins réels des structures en s’appuyant sur l’expertise de l’écosystème de l’accompagnement.

Aujourd’hui, les mesures d’apports en crédit à travers la BPI sont trop éloignées des réalités de ces entreprises. Nous avons besoin de mesures plus ajustées, accompagnées par un réseau de référents de proximité, appuyés sur les réseaux d’acteurs en lien avec les collectivités publiques et les dispositifs à mission d’accompagnement d’intérêt général, tels le DLA, France Active, les CRESS, les OPCO, l’ANACT...
Nous pouvons citer les nouvelles mesures mises en place par France Active au national et au territorial tel le contrat Care, mis en place avec les acteurs et la région Centre Val de Loire, pour apporter des appuis en fonds propres (à hauteur de 10 à 30 000 euros en emprunt sans intérêt remboursable sur trois ans) ou encore le travail du CRDLA Culture porté par l’association Opale pour l’observation du champ culturel et l’accompagnement du DLA pour le prise en compte des spécificités liés aux entreprises et à l’emploi culturel (situation et activité partielle pour les intermittents, situation des festivals, relations avec les administrations et les collectivités…)

Proposition 1.2.2 Rendre accessible le fonds d’urgence de 15 millions d’euros géré par France Active

Dans ce cadre, il est essentiel que le fonds d’urgence géré par France Active et abondé par la Caisse des Dépôts et Consignations, l’Etat et les collectivités soit consolidé et accessible à l’ensemble des initiatives sur les territoires. Il doit être piloté en lien avec les réseaux de l’ESS.

Proposition 1.2.3 Soutenir les financements solidaires

Les financements solidaires, qui se basent sur des processus d’éducation populaire et d’implication des citoyens, sont une réponse à soutenir pour renforcer les initiatives d’économie solidaire. Il s’agit de soutenir les formes locales (les Cigales, les monnaies locales, les dons et mécénat local..) et de gestion collective de l’épargne au profit des projets d’utilité sociale. Il devient urgent d’asseoir et de développer le livret d’épargne développement durable et solidaire, dans sa dimension don et mobilisation de l’épargne pour les TPE et PME de l’ESS.

  • AXE 3 : CO CONSTRUCTION DES PLANS DE CRISE ET D’URGENCE

Proposition 1.3.1 Mettre en place des espaces de concertation territoriale
• Mettre en œuvre des formes de concertation territoriale avec la diversité des structures de l’ESS pour installer les dispositifs d’urgence, organiser les solutions d’accompagnement et revoir les objectifs et critères des dispositifs en fonction de la crise que nous traversons et au tournant à prendre pour l’organisation des modes de vie sur les territoires.
• Veiller à une meilleure prise en compte des dynamiques de coopération auto-organisées par la société civile.

2. RENFORCER LA PROTECTION SOCIALE ET LES DROITS HUMAINS

Alors que nous sortons d’une période intense de remise en cause des fondements de la Sécurité sociale et également ceux des droits sociaux tels que la retraite, le chômage, la formation, l’éducation et la recherche, la pandémie nous conduit à interroger directement nos droits à la santé qui ne sont pas assurés correctement. Or une société qui ne protège plus ses membres de manière correcte avec l’arbitrage d’un Etat régulateur ne peut envisager d’avenir, outre qu’elle ne souscrit tout simplement plus aux Objectifs de Développement Durable préconisés par les Nations Unies. Les différents gouvernements ont voulu orienter les services publics vers une privatisation toujours plus accrue, dont nous mesurons à présent l’inefficience totale. L’intérêt général ne saurait être bradé ni soumis à des intérêts privés. L’Etat doit pouvoir imposer en son nom une juste contribution des richesses, notamment en matière d’imposition sur les dividendes.
C’est bien entendu un travail de fonds sur les besoins fondamentaux en matière de protection sociale qui devra être mené dans les prochains mois afin de définir ce qui compte le plus dans la démocratie française du XXIème siècle face aux enjeux environnementaux, économiques et sociaux.

  • AXE 1. PROTECTION SOCIALE ET TRAVAIL

    Proposition 2.1.1 Arrêt immédiat de la réforme de l’assurance- chômage

    Face à la déshumanisation des services rendus par Pôle Emploi qui ne permet en aucune façon de participer à une meilleure gestion du chômage, mais génère encore plus de précarité par un contrôle drastique inadapté qu’on ne saurait assimiler à un accompagnement vers une insertion socioprofessionnelle. Nous demandons un arrêt immédiat de la Réforme de l’assurance-chômage, applicable au 1er avril 2020 et notamment le durcissement des règles d’accès aux allocations chômage et modalités de suivi des demandeurs d’emploi.


Proposition 2.1.2 Mesures d’urgence pour la protection des auto-entrepreneurs

• Fonds de soutien d’urgence aux micro-entreprises sociales et des mesures d’allègement de charges

L’ESS doit être solidaire des personnes les plus fragiles et il nous apparaît important d’interroger aujourd’hui les personnes relevant de statut d’auto-entrepreneur·se. Fortement dépendantes des entreprises qui externalisent de plus en plus des pans entiers de leurs activités, ou de consommateurs aujourd’hui confinés, leurs situations sont fragilisées à très court terme et pour un grand nombre, il y aura une difficulté à tenir à la fois professionnelle et personnelle. On peut estimer qu’une grande partie d’entre eux n’auront pas suffisamment de trésorerie et ils entreront rapidement dans une grande précarité. Si 1 565 000 auto-entrepreneurs étaient répertoriés en juin 2019, et qu’une hausse notable du taux de création avait été notée par divers acteurs, on ne peut que s’inquiéter des risques que ces travailleurs majoritairement pauvres ont pris dans de multiples domaines d’activités, obéissant au mythe de l’activité indépendante. L’ubérisation croissante des services externalisés des entreprises est plutôt le facteur déclencheur d’une nouvelle catégorie socioprofessionnelle, ne bénéficiant pas des mêmes droits que des salariés qu’ils remplacent à moindre frais. Il est à craindre une augmentation fulgurante de la précarité en France du simple effet de ce statut inadéquat et non protecteur.3
Il convient de mettre en œuvre des mesures de soutien rapides et à court terme pour ces micro-entreprises sociales, qui participent à l’économie et sont quasi invisibilisées, notamment quand elles sont adossées à des plateformes qui n’offrent aucune protection sociale des personnes. En l’occurrence, un fonds de soutien d’urgence aux micro-entreprises sociales et des mesures d’allègement de charges doivent être envisagés.

• Développement des coopératives d’activité et d’emploi

Le champ de l’ESS offre une alternative protectrice et il paraît évident que le moment est propice pour renforcer le développement de coopératives d’activités et d’emploi en encourageant cette possibilité d’exercer son activité dans un statut d’entrepreneur·se salarié·e.


Proposition 2.1.3 Accompagnement des structures ESS/ Mise en Activité partielle : renégociation des critères d’éligibilité

Les emplois des structures d’économie solidaire subissent de plein fouet les conséquences économiques de la pandémie. Nous constatons au sein de notre réseau, qu’un grand nombre de structures d’utilité sociale qui ont été pénalisées par la disparition des “emplois aidés”, ont continué à maintenir des postes salariés avec des salaires plus bas ( petites structures en milieu rural, recycleries- ressourceries, secteur culturel, éducation à l’environnement, développement durable). Aujourd’hui, ces structures ont recouru sans aucun accompagnement au dispositif de mise en activité partielle, avec une difficulté à y accéder pour beaucoup d’entre elles, au vu des critères liés à la comparaison du chiffre d’affaires à N-1, peu adapté dans ce contexte. Nous demandons que les motifs de mise en place de l’activité partielle soient adaptés à la réalité des associations.
Nous proposons qu’un accompagnement des structures soit mis en œuvre pour bénéficier de cette mesure, et que les critères soient simplifiés et tiennent compte des spécificités de l’ESS, notamment pour le secteur associatif. Comment justifier de baisse de chiffres d’affaires alors que la production d’activités et services relevant de l’utilité sociale et de l’intérêt général ne ressemble pas à des activités productrices de biens et services relevant de la prestation de service ou de la vente de produits ?


Proposition 2.1.4 Lutter contre la précarité dans les structures d’ESS

• Création d’emplois d’utilité sociale

La précarité qui s’instaure dans les structures ESS de petite et moyenne taille depuis plusieurs mois s’accroît avec le recours à des postes d’intermittence, à des contrats de travail à durée déterminée ; la crise du COVID-19a généré le non renouvellement de contrats courts. Pourtant, les emplois générés par ces structures qui sont en première ligne de la crise seront indispensables à la sortie de crise.
Afin de préserver ces emplois, nous proposons la création d’emplois d’utilité sociale56, ouverts à tous et toutes, quels que soient l’âge, le niveau de qualification, la durée d’inscription comme demandeur d’emploi. Le seul critère de sélection devra être l’adéquation du profil et des compétences aux exigences du poste. Ces postes devront être pris en charge par les pouvoirs publics dans un premier temps.
• Renforcement des dispositifs d’accompagnement
Le Dispositif Local d’Accompagnement (DLA) a déjà montré son efficacité dans le développement et la consolidation de l’emploi dans les structures de l’ESS. Capable d’accompagner plus de 6 000 structures par an depuis sa création en 2004, le DLA accompagne en premier lieu la création et la consolidation de l’emploi dans les petites et moyennes associations. Pourtant, ces dispositifs manquent encore de moyens. Il serait utile de mieux les doter.

  • AXE 2 RENFORCEMENT DES SERVICES PUBLICS ET SOCIALISATION DE L’ÉCONOMIE

Proposition 2.2.1 Réinvestir massivement dans les services publics et les missions d’intérêt général
A l’inverse d’une logique de remise en cause des services publics, l’Etat doit massivement réinvestir dans ces services et les missions d’intérêt général. La santé ne peut pas être une marchandise a déclaré le président Macron, l’éducation, le logement, l’action sociale, la culture, l’alimentation... non plus. L’état doit réaffirmer son engagement dans les services publics et tourner le dos aux logiques de marchandisation et de restriction budgétaire en cours..


Proposition 2.2.2 Re-socialiser l’économie autour des besoins et droits fondamentaux

Pour construire un avenir socialement plus juste, nous devons favoriser la co-construction de la solidarité associant l’implication des citoyens, des initiatives de l’ESS ( monétaires ou non monétaires), entreprises locales et services publics dans une gestion démocratique de tout ce qui favorise l’intérêt général et l’accès de tous aux besoins fondamentaux.
Des démarches intéressantes ont déjà été développées et doivent maintenant être implémentés de manière massive et systématique. Les budgets participatifs, les fonds d’initiatives citoyennes, les conseils de quartiers, les conseils locaux pour l’alimentation, les conventions citoyennes (du local au national), le pacte pour la Transition du CTC, sont autant d’exemples d’une démocratie participative, génératrice de solutions.

Proposition 2.2.3 Répartir autrement les richesses
Les inégalités que cette crise révèle, nous obligent à nous poser collectivement la question de la répartition des richesses en France. Des pays comme l’Espagne sont en train de se diriger vers l’instauration d’un revenu de base ce qui pourrait inspirer le gouvernement français. Ce revenu qui n’a pas vocation à se substituer aux protections sociales existantes doit permettre à toutes et tous de vivre dignement. Verser sous forme monétaire, il doit pouvoir être compléter par des prestations en nature tels qu’un logement social, des droits de tirage énergétiques (part gratuite puis prix progressifs). La mise en place de monnaie locale sociale et environnementale devraient permettre l’accès de tous à une consommation responsable via la délivrance de cette monnaie sous la forme de bons d’achats écologiques et sociaux.
La question du revenu universel ouvre également celle de l’échelle des salaires. Le Covid-19met en avant des métiers essentiels et peu rémunérés supportés par des travailleurs précaires et en majorité des femmes. La question de l’égalité salariale doit être de nouveau au coeur des préoccupations ne serait-ce que par respect pour les personnes qui sont aujourd’hui en première ligne de cette crise. L’égalité salariale femmes-hommes doit désormais être effective. Il faut également instaurer une échelle de limitation des salaires dans les entreprises et les collectivités et envisager l’instauration d’un revenu Maximal Autorisé
Enfin, la fiscalité outil de justice et de cohésion sociale doit être revisitée pour favoriser une juste redistribution. La lutte contre l’évasion fiscale en fait partie.
Il reste à se poser la question de l’absence de limites et de frontières à l’enrichissement des personnes physiques et morale, .sujet qui nécessite un débat à l’échelle internationale.


Proposition 2.2.4 Travail social, ESS, Ethique : Vers des formes d’actions émancipatrices et citoyennes des personnes les plus fragiles et précaires

Nous constatons depuis plusieurs années un durcissement de la prise en compte des publics précaires. Le contrôle social, voire policier qui s’exerce à l’encontre des plus fragiles et précaires (ménages pauvres, sans domicile fixe, migrant.es, jeunes…) remplace peu à peu les approches préventives et protectrices et plus encore les propositions émancipatrices.
Les citoyens précaires sont porteurs de connaissances, d’idées et de culture. Les travailleurs sociaux ne peuvent être de simples agents de contrôle mais leurs savoir-faires et leurs innovations doivent être au service d’un renouvellement de l’action sociale dans une perspective émancipatrice. En ce sens, il est important de s’inspirer des expériences Territoires Zéro Chômeurs de longue durée comme celles portées par la Communauté Emmaüs, des clubs de prévention, des structures d’insertion par l’activité économique (régie de quartier, association intermédiaires, entreprise d’insertion), des réseaux d’éducation populaire ou des réseaux culturels qui prouvent qu’on peut « travailler autrement » avec les personnes en précarité .
Nous proposons que le droit à l’expérimentation puisse être valorisé (droit de tirage énergétiques, monnaie locale, bon d’achat écologiques…) et qu’un chantier national dédié à la thématique “Travail social ESS et Ethique » soit engagé.

3. POUR UNE TRANSITION ÉCOLOGIQUE ET SOLIDAIRE

Dans ses déclarations le Président Emmanuel Macron a affirmé la nécessité de changer nos modèles de développement. On peut s’en féliciter, cependant les décisions prises dans le cadre de la gestion de la crise continuent à favoriser une économie industrialisée, mondialisée et financiarisée au détriment d’une économie de proximité plus humaine, de la souveraineté alimentaire, de productions locales plus solidaires et plus écologiques pour nos territoires. Alors que de nombreux commerces, artisans, TPE sont en danger, la grande distribution et les plateformes de vente en ligne profitent de la crise pour engranger des bénéfices records.
Dans l’Histoire, les plans de relance suite aux crises majeures ont tous généré des investissements de grande envergure. Ce sont des moments rares qui structurent le monde pour des décennies à venir. La sortie de la crise du Covid-1919 doit être l’occasion d’inscrire la transition écologique et solidaire au cœur du plan de relance de l’économie.
Nous ne devons pas faire l’erreur de relancer un modèle de développement destructeur de la biodiversité et des ressources naturelles, polluant et non soutenable. Nous devons absolument changer de paradigme en adoptant un modèle de développement plus respectueux de l’environnement et du vivant.

  • AXE 1 INVESTIR L’ÉCONOMIE CITOYENNE

Proposition 3.1.1 Soutenir des secteurs d’activités au service d’une économie de proximité résiliente et écologique
Le plan de relance doit soutenir et développer une économie de proximité résiliente, l’utilisation d’énergie non polluante, des transports bas carbone, le développement des circuits courts et pas seulement pour l’alimentation, la rénovation énergétique des bâtiments et le développement de l’écoconstruction.
Les collectivités publiques doivent développer les transports en commun et les rendre accessibles ou gratuits pour lutter efficacement contre la pollution.


Proposition 3.1.2 Encourager l’initiative économique citoyenne en faveur de la transition

Beaucoup d’initiatives économiques citoyennes seront gravement fragilisées par la crise. Il est important d’encourager la reprise d’entreprise par les salariés avec un soutien de l’Etat, de soutenir la création de coopératives rassemblant producteurs et usagers au service de la production d’un bien commun : énergie partagée, alimentation, transport, … ( ex : Enercoop, Biocoop, Mobicoop…)

  • AXE 2 SOUTENIR LES RÉSEAUX LOCAUX, NATIONAUX ET INTERNATIONAUX

Proposition 3.2.1 Soutenir massivement les réseaux qui agissent en faveur de la transition
Le Plan de relance doit soutenir de manière systématique et massive les réseaux qui développent une agriculture paysanne biologique, le commerce équitable, les jardins partagés, les recycleries-ressourcerieq, les circuits courts agroalimentaires, l’éco-construction et l’habitat partagé, les régies de quartier, la mobilité douce et partagée.
Ces réseaux, au delà d’apporter une réponse locale et pertinente aux enjeux de la transition, sont des structures démocratiques qui mobilisent les citoyens et créent du lien social et qui fabriquent dans leur coopération avec les collectivités locales des écosystèmes territoriaux résilients.


Proposition 3.2.2 Créer une réponse internationale basée sur la solidarité

La crise du Covid-19 s’est propagée de manière globale et est la conséquence d’une mondialisation devenue incontrôlable. La réponse doit aussi se construire sur les bases d’une solidarité internationale : de nombreux acteurs travaillent depuis longtemps à construire un système mondialisé plus solidaire et équitable.
Le soutien aux réseaux est essentiel tant sur la possibilité de faire entendre leurs expertises dans les organisations internationales que dans leurs financements. Des réseaux comme le RIPESS International, le RIPESS Europe,, Fair trade / Artisans du Monde, Urgency, Eco-lise, par exemple, doivent être systématiquement associés aux réflexions internationales de sortie de crise.

Autant de mesures qui apporteront des bénéfices économiques et environnementaux à long terme et engageront notre société vers des modèles respectueux de la planète et des hommes.

TRANSFORMER L’ÉCONOMIE POUR FAIRE GRANDIR L’HUMANITÉ

La crise sanitaire que nous traversons pose de façon directe les questions primaires : quel est le sens de nos vies et comment voulons nous organiser nos interdépendances ?

Elle démontre une fois de plus, que les politiques conduites sous la seule optique du profit et de la concurrence, pour mener au bien être sur notre planète sont catastrophiques. Le pragmatisme nous enjoint, aujourd’hui, à nous questionner sur notre volonté à bien-vivre ensemble.

Loin des discours guerriers et des urgences autoritaires fondés sur le mythe du chef qui préparent, aux restrictions de libertés, aux replis sur soi aux stigmatisations voire à la délation et à la confrontation rageuse. Nous défendons la nécessité impérieuse du soin, de la solidarité, du respect des dignités et de la paix. Cela remet au centre du débat l’exigence des droits fondamentaux, et de l’approfondissement démocratique.

Nous remercions vivement l’ensemble des personnes qui aident, prennent en charge, s’engagent et travaillent tous les jours aux côtés des malades et de nos concitoyen.ne.s. Ces personnes, sous-valorisées en permanence, sont aujourd’hui celles qui nous font tenir et nous protègent. Elles ne sont pas une armée de soldats aux ordres mais des personnes investies dans la solidarité ou obligées de faire leur travail dans des situations souvent trop précaires. Elles ont légitimement droit au respect de leur vie et de leur dignité.

La place de la recherche est également centrale dans cette crise. Elle met en lumière le déficit d’intérêt et le manque d’investissement des gouvernements successifs. Nous devons en tirer l’enseignement que pour faire face à ces crises économiques et sanitaires, nous avons besoin de chercheurs qualifiés qui travaillent dans de bonnes conditions et avec les moyens nécessaires. La promesse du Président de la république d’allouer 5 milliards d’euros supplémentaires sur 10 ans à la recherche est un premier pas mais elle doit mener à une réflexion plus globale notamment sur le fléchage de ces fonds et sur les droits de propriétés et d’exploitation.

Nous déplorons les difficultés qui s’exercent une fois de plus sur les personnes les plus pauvres et fragiles (quartiers populaires, violences faites aux femmes, exilés et sans papier, SDF et squatteurs… et bien d’autres), dont les conditions de vie se sont dégradées malgré les alertes et mobilisations incessantes. Ces citoyens devraient être les premiers dans nos attentions et nos politiques publiques.

Nous réclamons de laisser place à l’intelligence collective, à la solidarité active, aux initiatives citoyennes. Nous connaissons les capacités d’engagements et d’invention des collectifs. Le travail en réseau, la réponse aux difficultés en local, l’agir en commun, les outils collaboratifs sont issus d’une société civile qui pense le commun, la solidarité, l’intérêt général. Les pratiques qui permettent de revenir à une échelle locale, au territoire de vie, à l’implication de toutes et tous dans l’organisation de nos modes de vie, mettent déjà en acte les solutions d’avenir. Elles peuvent être ouvertes aux autres, créatives, solidaires et collectives.

Il ne s’agit pas de dé-mondialiser mais au contraire de reconnaître urgemment nos interdépendances. Arrêter de détruire et d’appauvrir les pays dans la guerre économique et installer des principes et des actions de solidarité internationale, de respect des droits fondamentaux, d’appuis aux services publics et à la société civile dans les pays les plus pauvres, réduire l’emprise des multinationales et stopper dès à présent les négociations des accords commerciaux.

Si l’égale dignité des personnes et la volonté d’un bien vivre ensemble sur une planète apaisée nous conduit, alors nous devons agir : il est encore temps !

Télécharger la contribution :

Contribution du Mouvement pour l’Economie Solidaire France à la sortie de crise COVID-19

Pour toute demande d’information concernant cette contribution contactez bruno.lasnier@le-mes.org
Nous vous rappelons que le MES France a lancé un questionnaire à destination de tous les organisations de l’économie solidaire pour recueillir leur besoins mais aussi les solutions qu’ils inventent face à cette crise. N’hésitez pas à le diffuser et à le remplir : https://framaforms.org/questionnaire-covid-19-mouvement-pour-leconomie-solidaire-1585663384

Contribution du Mouvement pour l’Economie Solidaire France à la sortie de crise COVID-19