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Récupération des entreprises et autogestion : force et fragilité d’un mouvement social

La première rencontre internationale "Worker’s économy » a eu lieu en 2007 en Argentine et a réuni les travailleurs des entreprises récupérées et des collectifs de travail, des militants politiques et sociaux, des syndicalistes et des universitaires.

Depuis lors, les réunions ont lieu tous les deux ans et constituent des espaces de rencontre, de discussion et de réflexion sur les défis auxquels sont confrontés les travailleurs dans leurs efforts pour défendre leurs moyens de subsistance à travers l’ auto-gestion, contre les assauts du capitalisme mondialisé.

La seconde rencontre euro méditerranéenne qui a eu lieu à Thessalonique du vendredi 28 au dimanche 30 octobre 2016 a rassemblé plus de 200 participants de nombreux pays d’Europe, d’Amérique latine, de Turquie et même de Syrie grâce au témoignage par skype de la lutte de la communauté kurde du Rojava syrien.

http://euromedworkerseconomy.net/pr...

La rencontre était centrée sur les luttes de travailleurs pour récupérer leurs entreprises, acte de résistance au capitalisme qui élimine les unités de production qui ne sont plus rentables c’est-à-dire ne dégageant pas de profits satisfaisants pour les retours sur investissement escomptés.

La récupération est donc en premier lieu le moyen de préserver les emplois mais elle est aussi sur le long terme un instrument de transformation sociale et de création d’une nouvelle économie libérée de l’exploitation et tournée vers la satisfaction des besoins sociaux. Il s’agit de changer de paradigme et de remplacer une économie prédatrice, fondée sur l’exploitation des travailleurs par une économie orientée vers les besoins de base et la justice sociale.

Beaucoup de témoignages étaient centrés sur les luttes et les formes d’organisation adoptées pour reconvertir les entreprises en coopératives autogérées.

La rencontre avait lieu dans l’usine VIOME qui est en lutte depuis 2011, suite à l’abandon de l’usine par les employeurs, laissant les travailleurs sans salaires dans un contexte de crise où le chômage atteint 30% de la population. VIOME est toujours menacée d’expulsion, l’État ayant mis l’usine aux enchères. La résistance des travailleurs est emblématique, soutenue par des sympathisants de la région mais bien au-delà. C’est d’ailleurs la mobilisation de ces sympathisants qui a permis le déroulement de la rencontre dans de bonnes conditions.

Au nombre des témoignages se trouvaient également des membres de Fralib (région de Marseille) qui après 1336 jours de lutte contre la multinationale Unilever (les thés éléphant) ont réussi à créer la ScopTI, et à vendre des thés et des infusions bio (la marque 1336 se retrouve désormais dans les grandes enseignes mais plutôt dans les biocoops et autres systèmes de l’économie solidaire).

Témoignaient également ceux de RIMa flow (banlieue de Milan), ou encore Kazovaen Turquie ou Campichuelo coopérative graphique en Argentine et encore DITA en Bosnie Herzégovine et bien d’autres... (voir le programme ici).

Outre ces témoignages, les participants ont pu examiner les valeurs en jeu. Ainsi une doctorante italienne a fait part de ses constats sous le prisme du genre dans l’entreprise autogérée (où on voit sans surprise que les femmes ont aussi du mal à prendre leur place en dépit des déclarations d’égalité), la maîtrise des émotions dans des groupes non régulés par l’autorité. Un groupe de femmes réfugiées qui s’organisent pour produire des tricots et ainsi assurer le ravitaillement dans le camp où elles sont parquées ont témoigné des complications harcelantes que le gouvernement introduit pour limiter leur autonomie.

L’autogestion était bien-sûr centrale, mais aussi les processus de reprise en main des biens communs : re-municipalisation des services de nettoyage à Madrid, sauvetage des plages en Grèce avec l’exemple du camping de Voula qui a été rendu aux habitants alors que la plage était menacée de privatisation (tout est bradé en Grèce).

Josette Combes représentante du MES au RIPESS Europe est intervenue dans le cadre de la table ronde : Les structures d’assistance juridique, sociale et politique pouvant aider à la récupérations en auto-de-gestion d’usine. Quel le rôle les syndicats, les réseaux internationaux, les consultants légaux et les mouvements de solidarité peuvent-ils jouer dans la connexion de luttes pour l’auto-gestion avec leur contexte social et politique, dédiée au rôle des réseaux dans le soutien aux initiatives de récupération où le débat portait également sur l’implication des collectivités locales auprès des citoyens dans un esprit de soutien à l’économie locale.

Le discours récurrent engageait à la lutte nécessaire pour faire progresser l’économie autogestionnaire, sans cesse menacée soit par des attaques venues des pouvoirs institués soit par le risque en interne de dévoiement de l’esprit initial de gouvernance horizontale et paritaire, soit encore sous les coups de boutoir du marché qui tente de barrer la route à ces entreprises atypiques qui remettent en question le modèle capitaliste d’accumulation forcené et d’exploitation à la fois des producteurs et des consommateurs.

Beaucoup d’énergie et beaucoup de fragilité mêlées et une vraie fraternité chaleureuse au cours de ces trois jours d’échanges qui incluaient musique locale et stands de vente des produits des coopératives présentes.