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Projet de Loi Finance 2020 : l’ESS encore à la marge ?

Encourager les initiatives, protéger les Français et préparer l’avenir, telles sont les trois ambitions du Projet de Loi Finance 2020. Si ces grandes orientations se confondent avec celles des acteurs de l’économie sociale et solidaire, la convergence ne semble pas si évidente pour le gouvernement.

Malgré une hausse de 1,5 millions d’euros par rapport au PLF 2018, les crédits de 19,9 millions [1] accordés à l’ESS restent bien marginaux. En parallèle, l’Etat investit massivement et pour la première fois le champ de l’IAE avec le pacte ambition de 120 millions d’euros. Le budget concernant la jeunesse et la vie associative gagne lui 49 millions pour un total de 663 millions. Cependant, l’ensemble du budget est presque entièrement dédié au service national universel. Les résultats sont plutôt mitigés pour les budgets de l’ESS.


Que penser de ce PLF 2020 ?

Face aux enjeux qu’il énonce, les moyens mis en œuvre semblent plus tenir de la politique du petit pas que d’un réel engagement. De plus, on constate un morcellement des budgets attribués à l’ESS qui traduit un manque de cohérence globale dans la mise en œuvre des politiques publiques. Décryptage des grandes tendances et petites faiblesses de ce PLF 2020.

Les grandes tendances

Au sein du budget accordé à l’ESS , les crédits sont répartis en deux volets : le développement de l’ESS (9,1 millions d’euros dont 8,8 millions d’euros de dépenses d’intervention) et la contribution de l’État au dispositif local d’accompagnement (DLA / 10,4 millions d’euros).

Des dispositifs publics renforcés

Le dispositif local d’accompagnement retrouve son budget de 2017 après avoir perdu deux millions en 2018 et 2019. Avec 10,4 millions d’euros alloués cette année, le DLA prévoit d’accompagner plus de 7 000 structures de l’ESS dont près de 95% d’associations. Malgré cette remontée, le budget du DLA reste marginal. ESS France et le CNCRESS, sur proposition initiale du Mouvement associatif, souhaitent voir un million supplémentaire alloué au dispositif.

Du côté French impact, 3,8 millions de crédits sont accordés dont une partie allouée aux Contrats à impact social et le fond BPI France. A souligner quand même, que les contrats à impact social, créés au Royaume-Unis en 2010, ont eu des effets relatifs comparés à l’investissement public engendré. Il n’y a pas eu, à ce jour, d’évaluation complète des expérimentations faites en France. Les indicateurs utilisés sont strictement quantitatifs et générés par des intermédiaires du marché du conseil. Cette “innovation” française est très critiquée, car si elle représente une opportunité d’investissement pour des investisseurs peu intéressés par l’intérêt général, elle entraîne une financiarisation des activités associatives.

Des incertitudes pour les têtes de réseaux

Selon le PLF 2020, le budget alloué aux têtes de réseaux passerait de 4 millions à 2,6 soit une baisse de 1,4 millions. Cette baisse significative viendrait affaiblir l’action pourtant essentielle des têtes de réseau en France. Premiers interlocuteurs en lien avec le terrain, ils sont essentiels dans la co-construction de politiques publiques et le dialogue avec les territoires. Les Chambres régionales de l’économie sociale et solidaire (CRESS) semblent elles aussi perdre leur fléchage de 1,4 millions d’euros. Face aux inquiétudes exprimées par ESS France, le Mouvement Associatif, les CRESS, l’UNIOPS et d’autres, Christophe Itier a assuré disposer d’un budget conforté de 19,9 millions d’euros qui permettrait de maintenir les crédits pour les têtes de réseaux et les CRESS. Il est important de rappeler que le MES ne bénéficie pas de financement du HCSES bien qu’il participe à l’ensemble des espaces de concertation et est membre d’ESS France.


Absence de fiscalité spécifique pour l’ESS

Il n’y aura pas de fiscalité spécifique pour l’ESS puisque Bercy confirme une volonté de réduire les avantages fiscaux pour les entreprises. ESS France et le CNCRESS avaient demandé un soutien au mécénat en supprimant le dispositif de plafonnement de 60 à 40% pour les dons les plus importants et un soutien plus conséquent à la finance solidaire. L’UDES et le Mouvement associatif se retrouvent également sur cette ligne. Pour ces acteurs, l’enjeu est crucial pour la sécurisation des ressources des grosses associations comme Emmaüs ou la Croix rouge qui dépendent du financement des grandes entreprises.

L’UDES, ESS France et CNCRESS s’étaient positionnés en faveur d’un crédit d’impôts à l’innovation sociale, inspiré du crédit d’impôt à l’innovation. L’UDESS demandait un fléchage de 200 000 millions d’euros fléchés vers l’innovation sociale. Du côté du HCESS, Christophe Itier, dans le cadre du Pact for Impact, souhaitait voir également la création d’une aide fiscale en faveur de l’innovation sociale mais il n’a pour l’instant, pas les moyens de ses ambitions.

Pour le Mouves, il continue de manquer un pack de mesure en faveur des jeunes entreprises ESUS avec l’exonération des cotisations patronales durant les cinq premières années et la création d’un régime de mécénat social.

Pour le MES, une aide à l’innovation sociale plutôt qu’un crédit d’impôts permettrait de ne pas discriminer les structures qui ont fait le choix d’une fiscalité non lucrative. Il faudrait pour cela mettre en place un système de financement public d’aide automatique ou de subvention en fonction de critères transparents. Cela pourrait notamment permettre l’appui aux projets acteurs-chercheurs, le co-financement de projets territoriaux, co-financement sur des projets européens, le montage d’ingénierie de recherche pour les plus petites structures…


Un soutien relatif à l’emploi

Outre le pacte d’ambition pour l’IAE qui permettra de financer 20 000 aides aux postes dans les chantiers d’insertion, de nombreuses mesures en faveur de l’emploi apparaissent dans le PLF 2020.
Le compte épargne citoyen passe de 3 millions à 11,5 millions pour 2020, permettant ainsi de valoriser l’engagement de nombreux bénévoles et d’avoir accès à la formation. Le Fonjep bénéficie d’une hausse de 3,4 millions d’euros permettant la création de 500 postes dans les associations d’éducation populaire.

La hausse de 49 millions d’euros du programme Jeunesse et Vie Associative permet d’augmenter de 13 millions le budget de 508 millions consacrés au services civiques. Cependant, cette hausse ne permet pas de compenser la suppression de 60 000 emplois aidés en 2017. De plus, il est important de ne pas confondre politique d’appui à l’emploi et service civique. Les jeunes bénéficiant d’un service civique ne peuvent pas devenir une manne à bas coût (l’indemnisation légale se situe entre 550 et 660 euros par mois) qui viendrait compenser la perte de professionnels qualifiés réellement rémunérés. De plus, 30 millions d’euros sont consacrés à la mise en place du Service National Universel dans 13 régions pilotes et devrait concerner pour 2020 environ 2 000 jeunes de 15 à 16 ans. Dans un contexte militarisé, la mise en place du SNU entre en conflit avec les valeurs de l’économie populaire. L’UFISC adressera prochainement un courrier à Gabriel Attal pour exprimer son opposition quant à cette mesure.

D’autres propositions phares comme la création de 5 000 emplois d’utilités citoyennes n’a pas été retenu par le gouvernement. Cette proposition, reprise par ESS France et le CNCRESS, consistait à flécher les crédits non consommés du parcours emploi-compétences vers un dispositif d’emplois d’utilité citoyenne, soit un investissement de 75 millions d’euros.

Un bilan loin d’être à la hauteur des attentes des acteurs de l’ESS

Alors que dans l’hémicycle les débats sont en cours, les marges de manœuvres des acteurs de l’ESS semblent une nouvelle fois limitées. En effet, si le bilan n’est pas catastrophique, il est loin d’être à la hauteur des attentes des acteurs de l’ESS. Dans ce contexte, il est difficile de se réjouir de la politique des petits pas quand les enjeux sociaux et écologiques demandent des engagements bien plus conséquents. Deux constats de fonds semblent cependant apparaître à la lecture du PLF 2020 : l’isolement du Haut commissariat, les moyens dérisoires dont il dispose au vu de ses ambitions et l’éclatement des budgets de l’ESS ne permettant ni la cohérence ni la visibilité de ses actions.

Article rédigé le 5 novembre 2019 par Alexane Heredia, Administratrice du Mouvement pour l’Economie Solidaire

Pour aller plus loin :

http://www.le-mes.org/Analyses-et-propositions-du-Mouvement-pour-l-Economie-Solidaire-relatives-au.html

https://www.ess-france.org/actualites/plf-2020-un-budget-de-less-dont-les-ambitions-affichees-interrogent-les-acteurs-de-less

https://lemouvementassociatif.org/plf-2020-nos-propositions-pour-la-vie-associative/

https://www.chorum-cides.fr/actualite/budget-2020-less-en-trompe-loeil/

https://www.udes.fr/actualites/projet-de-loi-de-finances-2020-entreprises-de-less-doivent-etre-soutenues-pour-poursuivre