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Manifeste international pour l’économie solidaire

Le Manifeste international pour l’économie solidaire co-signé par 100 chercheurs et enseignants de 30 pays est paru dans Le Monde et dans Pagina 12 (Argentine) le 24 octobre 2020 Aujourd’hui le Manifeste s’ouvre à la signature des réseaux de l’économie Solidaire.
Le Mouvement pour l’Economie Solidaire devient donc signataire de ce texte et invites ses réseaux membres et partenaires à signer ce Manifeste


Manifeste international pour l’économie solidaire

Nous, professeurs et chercheurs de différents continents, (Afrique, Amérique, Asie, Europe) qui travaillons depuis de nombreuses années avec les acteurs de l’économie solidaire nous voulons par ce texte interpeler les pouvoirs publics sur le soutien qu’ils peuvent apporter à cette économie émergente. Celle-ci nous semble en effet à prendre compte parce qu’elle assume des finalités sociales, écologiques, culturelles, contre l’augmentation des inégalités et pour la justice, contre le réchauffement climatique et pour une répartition équitable des ressources, contre l’uniformisation des comportements et pour l’expression des diversités. En bref, c’est une économie dont nous avons besoin au moment où se manifeste l’épuisement du système dominant.

Revenons en effet au XIXe siècle. La science économique s’est développée à partir d’un socle épistémologique qui néglige les ressources naturelles considérées comme inépuisables et qui sélectionne comme seule motivation l’intérêt matériel individuel. Cette vision a été créatrice de richesses matérielles mais a aussi fait preuve d’une capacité de destruction inédite. Certes ces effets pervers ont pu être partiellement endigués par l’Etat-social dont le bienfondé a été admis au niveau international en 1944 par la déclaration de Philadelphie. Celle-ci stipulait que le développement économique ne vaut que s’il est au service du développement social, elle a entraîné la mise en place de formes importantes de redistribution publique. Mais le compromis établi entre marché et Etat a été déstabilisé par le consensus de Washington qui en 1989 a préconisé la réduction du périmètre de l’intervention publique, la déréglementation et la dérégulation. Depuis lors la prédation de la nature et la montée des inégalités se sont tellement accentuées que la définition même de l’économie héritée du XIXe siècle est désormais en cause. Les désordres qu’elle engendre mettent en évidence son caractère obsolète dû à l’ignorance de l’écologie et du social inhérente à un objectif de croissance sans limite.

Des approches demeurées minoritaires ont d’ailleurs depuis longtemps contesté l’assimilation entre économie et expansion sans fin. Les dynamiques de l’économie populaire ont été analysées avec précision, en particulier en Afrique et en Amérique du Sud, où elles permettent à la majorité de la population de s’en sortir en combinant les activités marchandes informelles avec la réciprocité, l’entraide et le partage domestique.

L’économie sociale a pour sa part montré que des entreprises non capitalistes (associations, coopératives, mutuelles, …) existent et perdurent. Les traditions de l’économie populaire et de l’économie sociale constituent des preuves de résistances persistantes à l’ordre dominant relativisant le principe du gain par la référence à des valeurs collectives mais ni l’une ni l’autre n’ont réussi à impulser une transformation de grande ampleur. C’est pourquoi depuis plusieurs décennies dans le monde entier des initiatives cherchent à réarticuler ces traditions avec une volonté affirmée de changement social. Ces initiatives solidaires ont été méprisée par la plupart des responsables privés et publics. Trop minuscules à leurs yeux elles ont été rabattues sur l’insertion puis sur le social business, autrement dit sur des tentatives philanthropiques venant corriger à la marge un système inchangé.
L’économie solidaire ne correspond pas à cette caricature. Souvent mise en oeuvre par des femmes qui sont les premières confrontées aux dégâts produits par l’économie dominante, l’économie solidaire existe et s’est imposée comme une recherche de bien vivre. Son importance s’avère donc épistémologique. Elle refuse cette coupure entre nature et culture comme entre sujet et objet qui gouvernait la science économique d’hier et elle adopte au contraire une approche relationnelle qui réintègre le croisement des savoirs du Sud et du Nord pour penser ses interactions sociales et environnementales. Présente dans chaque continent l’économie solidaire suggère ainsi des alternatives au pluriel.
En Afrique, il existe des traditions de groupement villageois, de gestion des communs tels les forêts et les points d’eau, de mutualisation de moyens matériels et d’entraide pour les travaux des champs (sossoaga, Djunta-mon), de systèmes circulaires d’épargne (tontines). Ces traditions sont aujourd’hui prolongées par des coopératives agropastorales et artisanales, des coopératives d’épargne et de crédit, des mutuelles d’assurance santé, des mutualités sous formes de banque comme la Mamda au Maroc, des expériences agroécologiques nombreuses au Sénégal, au Togo, au Cap Vert ou au Burkina Fasso.
En Amérique latine, on peut mentionner entre autres les reprises d’entreprises par leurs travailleurs, les coopératives et associations d’agriculture familiales, les groupes de production et consommation agroécologiques, les coopératives de recyclage, les monnaies sociales et les services financiers solidaires des banques communautaires, les fonds rotatifs de crédit. Dans cette grande variété d’expériences originales les
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universités publiques se distinguent par la création en leur sein d’incubateurs d’économie solidaire.
En Asie et, en particulier en Asie du sud où les problèmes de pauvreté multidimensionnelle et d’inégalité sont les plus importants, beaucoup de démarches communautaires et collectives sont mises en place par des femmes et des groupes marginalisés pour augmenter leur capacité d’auto production mais aussi leur pouvoir d’agir et leur lutte pour la reconnaissance. Les pratiques vont de l’éducation alternative pour les enfants à la finance sociale en passant par les monnaies locales complémentaires ; elles incluent aussi des circuits courts tels que les associations producteurs consommateurs (Teikei au Japon) ou d’autres alliances entre espaces urbains et ruraux.
En Europe, l’économie solidaire prend aussi des formes très diverses mais présente quelques traits communs : la primauté des personnes et du travail sur le capital, la démocratie économique, le respect de la nature, l’émancipation humaine, l’égalité des sexes et une perspective politique de transformation sociale. Elle concerne la sphère productive, la consommation et la commercialisation, l’épargne et les finances solidaires, l’approvisionnement en énergie, les services de proximité et d’autres innovations citoyennes plus ou moins formalisées autour des monnaies alternatives, des circuits courts alimentaires, des jardins collectifs et des groupes d’entraide.
Des aménagements du système existant sont nécessaires mais ils ne peuvent suffire. Les expériences de débordement initiées dans le cadre de l’économie solidaire sont porteuses de nouvelles relations entre économie et société, cette dernière étant envisagée dans ses dimensions humaines et non humaines.
Les acteurs engagés dans une démarche d’économie solidaire doivent se faire plus entendre. L’économie dont nous avons besoin pour demain est déjà là, son essor dépend de l’avènement d’une nouvelle génération d’action publique.

Les premiers signataires : Abdessatar Rejeb, Université Téluq, Université du Québec, Canada, Acosta Alberto, Ecuador, Addor Felipe, Universidade Federal do Rio de Janeiro, (UFRJ), Brazil, Akartit Hajiba, Chercheure OTS, Marocco, Andolfatto Dominique, Université de Bourgogne, France 4, Askour Khadija, ISITT, Tanger, Marocco, Bagaoui Rachid, Université Laurentienne de Sudbury, Canada, Ballesteros García Carlos, Universidad Pontificia Comillas de Madrid, Spain, Banerjee Swati, Tata Institute of social science, India, Betancourt Rafael, Red Cubana de Economía Social y Solidaria – ESORSE Centro de Investigaciones Psicológicas y Sociológicas, (CIPS), La Habana, Cuba, Borghi Vando, Università di Bologna, Italy, Bucolo Elisabetta, Lise/Cnrs, France, Cafiero Mario, Instituto Nacional de Asociativismo y Economía Social (INAES Universidad Nacional de Lanús (UNLA), Argentina, Cervera Melaine, Université de Lorraine, France, Claudio Araujo Nascimento, Ciriec, Brazil, Coraggio José Luis, Universidad Nacional General Sarmiento, (UNGS), Argentina, Dagnino Renato, Universidade de Campinas, (UNICAMP), Brazil, Degavre Florence, UCLouvain, Belgique, Djenane Madjid, Université de Sétif 1, Algérie, Dos Santos Luciane, Université de Coimbra, Portugal, Dubeux Ana, Universidade Federal Rural de Pernambuco, (UFRPE), Brazil, Ellouxe Youssef, Chercheur OTS, Président du REIESS, Marocco, Ernest Messina Mvogo, Université de Douala, Cameroun, Esteve Ana Margarida, Instituto Universitário de Lisboa (ISCTE), Portugal, Estivill Jordi, Université autonome de Barcelone, Spain, Estrella Hugo Jàcome, Facultad Latinoamericana de Ciencias Sociales (FLACSO), Ecuador, Eynaud Philippe, Institut d’administration des entreprises, (IAE Paris I), France, Farah Henrich Ivonne, Unversidad Mayor de San Andrés, La Paz, Bolivia, Ferrarini Adriane, Universidade do Vale do Rio dos Sinos, (UNISINOS), Brazil, Fraisse Laurent, Fondation Maison des sciences de l’homme, (FMSH), France, França Filho Genauto, Universidad Federal de Bahia, (UFBA), Brazil, Franz Hinkelammert, Universidad Nacional de Costa Rica, Fujii Atsushi, Rikkyo University, Japan, Gaiger Luiz Iñácio, Universidade do Vale do Rio dos Sinos, (UNISINOS), Brazil, Gardin Laurent, Université Polytechnique Hauts-de-France, (UPHF), France. Gavaldà Antoni, Universitat Rovira i Virgili, Catalunya-Spain 5, Glémain Pascal, Université Rennes 2, France, Gianfaldoni Patrick, Avignon Université, France, Goujon Daniel, EVS-ISTHME, Université Jean Monnet, France, Guérin Isabelle, Ecole des Hautes études en sciences sociales, (EHESS), France, Guerra Pablo, Universidade da República, (UDELAR), Uruguay, Guridi Aldanondo Luis, Universidad del Pais Vasco/EHU, Hashem Salah Ahmed, Egyptian federation for Development and Social Protection Policies, Egypt, Hataya Noriko, Sophia University, Japan, Hespanha Pedro, Université de Coimbra, Portugal, Hillenkamp Isabelle, Institut de recherche et développement, France, Hulgård Lars, Roskilde Universitet, Denmark, Imai Michiyo, Komazawa University, Japan, Kabore Théodore, Université Ouagadougou II, Burkina Faso, Koike Yoichi, Ritsumeikan University, Japan, Kulothungan Gladius, University of Wales Trinity Saint David, United Kingdom, Laville Jean-Louis, Fondation Maison des sciences de l’homme, (FMSH), France, Leal Leonardo, Universidad federal de Alagoas, (UFAL), Brazil, Lhuillier Vincent, Université de Lorraine, France, Limbaka Bofolo Henry, Université de Kinshasa, République démocratique du Congo, Linardos Petros, Nicos Poulantzas Institute, Greece, Marilia Verissimo Veronese, Univesidade do Vale do Rio dos Sinos, (UNISINOS), Brazil, Marinho Roberto, Universidad federal da Rio Grande do Norte, (UFRN), Brazil, Maristella Svampa, Conicet, Argentina, Martinez Louvier Juan Manuel, Instituto Nacional de Asociativismo y Economía Social (INAES), México, Matonte Silva Cecilia, Universidade da República, (UDELAR), Uruguay, Meite Youssouf, Université Félix Houphouët-Boigny, Abidjan, Côte d’Ivoire, Mendonça Aline, Universidade Católica de Pelotas, (UCPEL), Brazil, Miró Ivan, (XES-Universitat Pompeu Fabra), Catalogne, Moacir Gadotti, Diretor do Instituto Paulo Freire, São Paulo, Brazil, Momar Serigne, SARR Université de Ziguinchor, Sénégal, Moustaquim Rachid, ESG Montréal, Canada 6, Muñoz Ruth, Universidad Nacional General Sarmiento, (UNGS)/Instituto Nacional de Asociativismo y Economía Social (INAES, Ministerio de Desarrollo Productivo de la Nación Argentina), Argentina, Nakano Yoshihiro, Waseda University, Japan, Ndiaye Abdourahmane, IUT Bordeaux Montaigne, France, Parra Rodríguez Carmen, Catedra de Economia Solidaria UAO CEU, Spain, Perna Tonino, Université de Messine, Italy, Pleyers Geoffrey, Université catholique de Louvain, Belgium, Puig Lizarraga Carlos, Instituto Hegoa (Universidad del País Vasco/EHU), Pays Basque, Richez-Battesti Nadine, Aix -Marseille Université et Lest-Cnrs, France, Rieiro Anabel, Universidade da República, (UDELAR), Uruguay, Rivera de la Rosa José de Jésus, Universidad Autónoma de Puebla, México, Rizza Roberto, University of Bologna, Forlì Campus, Italy, Rodriguez Marvin, Costa Rica, Roque Amaro, Instituto universitario de Lisboa, (ISCTE), Portugal, Sadik Youssef, Université Mohammed V, Rabat, Marocco, Salmon Anne, Conservatoire national des arts et métiers, France , Santos Boaventura de Sousa, Centro de Estudios Sociais, Portugal – University of Wisconsin, USA, Santos Jacinto, Habitat, Cabo Verde, Saussey Magalie, Centre d’études en sciences sociales sur les mondes africains, américains et asiatiques, (CESSMA), France, Schiochet Valmor, Universidade Regional de Blumenau, (FURB), Brazil, Shimomae Koichi, Community and Collaboration Research Center, Japan, Silva Sandro, Instituto de Pesquisa Economica Aplicada, (IPEA), Brazil, Soussi Sid Ahmed, UQAM, Canada, Souza Washington, Universidade Federal do Rio Grande do Norte, (UFRN), Brazil, Stigendal Mikael, Malmö Universitet, Sweden, Susana Hintze, Universidad Nacional de General Sarmiento (UNGS), Argentina, Tsuda Michio, Community and Collaboration Research Center, Japan, Uchida Shoko, NPO Pacific Asia Resource Center, Japan,Vike Halvard, University of South-East, Norway, Villalba-Eguiluz Unai, Universidad del País Vasco, País Vasco 7, Vuotto Mirta, Centro de Estudios de Sociología del Trabajo, Facultad de Ciencias Económicas – UBA, Wanderley Fernanda, Instituto de Investigaciones Socio-Económicas, Universidad Católica Boliviana (IISEC-UCB), Bolivia, Yamaguchi Kanau, Community and Collaboration Research Center, Japan, Yamamoto Junichi, Unitierra, Japan, Yao Gnabeli Roch, Université Félix Houphouët-Boigny, Côte d’Ivoire, Zett Jean-Baptiste, Université Ouagadougou II, Burkina Faso,

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