Le Mouvement pour l’Economie Solidaire participe à l’élaboration commune en orientant son engagement pour « une République de l’ESS » vers la démocratie économique au travers des propositions, agoras et rencontres. Celle-ci doit s’envisager comme une éthique de la citoyenneté et une pratique réflexive et collective, de manière absolument inclusive.
Face aux enjeux de transition économique, environnementale, sociale, il ne saurait y avoir de sous-citoyenneté, ou de citoyenneté de seconde zone tandis que des experts, influenceurs et décideurs donneraient les voies à suivre. Quel lien faisons-nous entre vivre en précarité et être citoyen.ne ? Entrer en précarité n’est-il pas également se démettre ou être soustrait de sa citoyenneté ? Comment malgré nous, participons-nous, nous acteurs ESS, intervenants, entrepreneurs solidaires à cette mise en invisibilité ? L’ESS doit elle aussi changer ses postures et renouveler ses pratiques. La garantie de la dignité des personnes et des droits humains fondamentaux méritent au 21ième siècle une réinterrogation des pratiques démocratiques et un « pas de côté », autant du côté des acteurs de l’Economie sociale et solidaire que sur le champ de politiques publiques et des acteurs institutionnels.
Notre mouvement souhaite pouvoir mettre en valeur les nouvelles pratiques démocratiques au sein de l’ESS, valorisant le faire « avec », les systèmes décisionnels ascendants ou horizontaux, notamment sur le champ de l’éducation populaire, de l’intervention sociale et des transitions écologiques et économiques. Ces questionnements de vision du système ont pour objectifs de répondre aux problématiques actuelles ; pouvons-nous de manière sérieuse et authentique à travers les initiatives liées à l’Économie Sociale et Solidaire proposer des solutions face à l’enjeu grandissant des précarités actuelles et à venir ? Si oui, alors l’ESS se doit à l’avenir d’être une économie solidaire et populaire, appropriée par toutes et tous, comme modèle économique à part entière.
Le mouvement des Gilets Jaunes, advenu en novembre 2018, la crise engendrée par la pandémie « Covid-19 » ont mis à jour qu’une part grandissante d’ « invisibles » se retrouvaient privés de droit, amoindris dans leurs exercices de la citoyenneté. L’ESS devra plus que jamais, être émancipatrice et participative.
Jo Spiegel ( 12 décembre 2020 La Nuit de la Démocratie), ancien maire de Kingersheim, dans le Haut-Rhin, explique qu’il n’y pas de “transformation, il n’y a pas de transition écologique, transition sociale [...] sans associer les citoyens et tous les porteurs de sens, d’intelligence, d’expertise et d’engagement”. Il appelle à sortir d’un “consumérisme politique” avec des “élus fournisseurs et des habitants clients”. L’ESS doit également reconnaître le pouvoir transformateur de chaque personne, sa créativité intime et profonde, ce qui est loin d’être donné d’avance.
Julien Damon ( émission le temps du débat), sociologue spécialiste de la pauvreté et de la protection sociale, définit plusieurs visions des personnes considérées comme “pauvres”. Tout d’abord, avec une vision relative, chiffrée, une personne est pauvre si son revenu est inférieur à 60% du revenu médian français. En 2018, la précarité monétaire est subie par 9,3 millions de personnes en France. La crise du Covid-19 va, selon les estimations, faire passer un million de personnes de plus sous le seuil de pauvreté. La précarité n’est pas seulement un problème monétaire ; en effet, avec une vision “absolue”, être précaire est synonyme de difficultés multiples en termes de logement, d’accès à une alimentation, à un logement, aux soins et à la santé, à des vêtements, à la culture, à l’éducation et à un revenu et une activité durable. Il ne s’agit pas seulement de créer des dispositifs palliatifs qui répondent à court terme aux urgences sociales. Il s‘agit, pour répondre aux urgences sociales, de construire collectivement AVEC les personnes en précarité, des réponses subtiles, humanistes, respectueuses en lien avec les spécificités de territoires.
Bien que faire disparaître les précarités paraissent pour beaucoup de l’ordre de l’utopie, l’utopie est ici et maintenant nécessaire et vitale quand elle relève de l’éthique. Eradiquer la pauvreté n’est pas un supplément d’âme mais relève d’une volonté qui se doit d’être générale et collective. L’ESS se doit donc d’être émancipatrice et précurseure, une force de propositions pour des politiques publiques restituant pour chaque personne ses droits humains et sociaux fondamentaux. Un art de la République de l’ESS !
Bérénice Dondeyne, Co-Présidente MES Occitanie,
Administratrice MES France
Vice Présidente ESS France
Membre du Comité de coordination Ripess Europe